van Gogh's letters - unabridged and annotated
 
» Home Switch to: English < Previous   Next >
Letter from Vincent van Gogh to Wilhelmina van Gogh
Auvers-sur-Oise, 5 June 1890
Relevant paintings:


"Doctor Gachet's Garden in Auvers," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Marguerite Gachet in the Garden," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Church at Auvers," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Old Cemetery Tower at Nuenen," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Still Life: Pink Roses in a Vase," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Still Life: Vase with Roses," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Still Life: Vase with Irises," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Still Life: Vase with Irises against a Yellow Background," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Blossoming Almond Tree," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"L'Arlesienne (Madame Ginoux)," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"L'Arlesienne (Madame Ginoux)," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Self-Portrait," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Portrait of Doctor Gachet," Vincent van Gogh
[Enlarge]


"Sketch of Arlésienne & Puvis,"
[Enlarge]

W22

Auvers-sur-Oise, 5 juin 1890

Ma chère soeur,

Depuis longtemps j'aurais dû répondre à tes deux lettres que j'ai encore reçues à Saint-Rémy mais le voyage, le travail et un tas d'émotions nouvelles jusqu’aujourd'hui me le faisaient remettre du jour au lendemain. Cela m'a beaucoup intéressé que tu aies soigné des malades à l'hôpital Wallon. Certes c'est ainsi que l'on apprend un tas de choses des meilleures et des plus nécessaires que l'on puisse apprendre, et moi je le regrette que je sache rien, en tout cas pas assez, de tout cela.

C'était pour moi un grand bonheur de revoir Theo, de faire connaissance avec Jo et le petit. et Jo est pleine et de bon sens et de bon sens et de bonne volonté.

Le petit n'est pas malingre mais pas fort aussi. C'est un bon système que la femme accouche à la campagne et y passe avec le petit les premiers mois, si l'on reste dans une grande ville. Mais voilà, pour la première fois surtout l'accouchement étant redoutable, ils n'ont certes pas pu faire mieux ou autrement qu'ils n'aient fait. J'espère qu'ils viendront ici à Auvers pour quelques jours bientôt.

Pour moi le voyage et le reste jusqu'ici se sont bien passés, et revenir dans le Nord me distrait beaucoup. Puis j'ai trouvé dans le Dr Gachet un ami tout fait, et quelque chose comme un nouveau frère, tellement nous nous ressemblons physiquement, et moralement aussi. Il est très nerveux et beaucoup bizarre lui-même, et a rendu aux artistes de la nouvelle école beaucoup d'amitiés et services, tant que c'était dans son pouvoir. J'ai fait son portrait l'autre jour et vais peindre aussi celui de sa fille qui a 19 ans. Il a perdu sa femme il y a quelques années, ce qui a contribué beaucoup à le casser. Nous avons été amis pour ainsi dire tout de suite et j'irai passer toutes les semaines une ou deux journées chez lui, à travailler dans son jardin dont j'ai déjà peint deux études, l'une avec des plantes du Midi, aloès, cyprès, soucis, l'autre des roses blanches, de la vigne et une figure, puis un bouquet de renoncules. Avec cela j'ai un plus grand tableau de l'église du village - un effet où le bâtiment paraît violacé contre un ciel d'un bleu profond et simple, de cobalt pur, les fenêtres à vitraux paraissent comme des taches bleu d'outremer, le toit est violet et en partie orangé. Sur l'avant-plan un peu de verdure fleurie et du sable ensoleillé rose. C'est encore presque la même chose que les études que je fis à Nuenen de la vieille tour et du cimetière. Seulement à présent la couleur est probablement plus expressive, plus somptueuse.

Mais dans les derniers temps à Saint-Rémy j'ai encore travaillé comme un enragé, surtout à des bouquets de fleurs, roses et iris violets. J'ai rapporté pour le petit de Theo et Jo un tableau assez grand - qu'ils ont accroché au-dessus du piano - des fleurs d'amandiers blanches - de grandes branches sur un fond bleu céleste, et ils ont dans leur appartement aussi un nouveau portrait d'Arlésienne..

Mon ami le Dr Gachet est décidément enthousiaste de ce dernier portrait d'Arlésienne dont moi aussi j'ai un exemplaire pour moi, et d'un portrait de moi, et cela m'a fait plaisir puisqu'il me poussera à faire de la figure et, j'espère, me trouvera quelques modèles intéressants à faire.

Ce qui me passionne le plus, beaucoup, beaucoup davantage que tout le reste dans mon métier - c'est le portrait, le portrait moderne. Je le cherche par la couleur et ne suis certes pas seul à le chercher dans cette voie. Je voudrais, tu vois, je suis loin de dire que je puisse faire tout cela mais enfin j'y tends, je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions. Donc je ne nous cherche pas à faire par la ressemblance photographique mais par nos expressions passionnées, employant comme moyen d'expression et d'exaltation du caractère notre science et goût moderne de la couleur. Ainsi le portrait du Dr Gachet vous montre un visage couleur d'une brique surchauffée et hâlé de soleil, avec la chevelure rousse, une casquette blanche dans un entourage de paysage fond de collines bleu, son vêtement est bleu d'outremer - cela fait ressortir le visage et le pâlit malgré qu'il soit couleur brique. Les mains, des mains d'accoucheur, sont plus pâles que le visage. Devant lui sur une table de jardin rouge, des romans jaunes et une fleur de digitale pourpre sombre.

Mon portrait à moi est presque aussi ainsi, le bleu est un bleu fin du Midi et le vêtement est lilas clair. Le portrait d'Arlésienne est un ton de chair incolore et mate, les yeux calmes et fort simples, le vêtement noir, le fond rose et elle est accoudée à une table verte avec des livres verts.

Mais dans l'exemplaire qu'en a Theo le vêtement est rose, le fond blanc jaune et le devant du corsage ouvert de la mousseline d'un blanc qui tourne sur le vert. Dans toutes ces couleurs claires les cheveux seuls, les cils et les yeux font des taches noires.

Je ne réussis pas à en faire un bon croquis.

Il y a de Puvis de Chavannes à l'exposition un tableau superbe. Les personnages sont vêtus de couleurs claires et on ne sait pas si c'est des costumes de maintenant ou bien des vêtements de l'antiquité.

Deux femmes, toujours en longues robes simples, causent d'un côté, des hommes artistes de l'autre, au centre une femme, son enfant dans les bras, cueille une fleur sur un pommier en fleur. Une figure sera bleu myosotis, une autre citron clair, une autre rose tendre, une autre blanche, une autre violette. Le terrain une prairie piquée de fleurettes blanches et jaunes. Des lointains bleus avec une ville blanche et un fleuve. Toute l'humanité, toute la nature simplifiée mais comme elle pourrait être si elle ne l'est pas.

Cette description ne dit rien - mais en voyant le tableau, en le regardant longtemps, on croirait assister à une renaissance fatale mais bienveillante, de toutes choses auxquelles on aurait crues, qu'on aurait désirées, une rencontre étrange et heureuse des antiquités fort lointaines avec la crue modernité.

J'ai revu aussi avec plaisir André Bonger qui avait l'air fort et calme et qui raisonnait, ma foi, avec une grande justesse sur des choses artistiques.

Cela me faisait grand plaisir qu'il était venu les jours que j'étais à Paris.

Merci encore de tes lettres, à bientôt, je t'embrasse en pensée.

t. à t. Vincent


At this time, Vincent was 37 year old
Source:
Vincent van Gogh. Letter to Wilhelmina van Gogh. Written 5 June 1890 in Auvers-sur-Oise. Translated by Robert Harrison, edited by Robert Harrison, number W22.
URL: https://www.webexhibits.org/vangogh/letter/21/W22-fr.htm.

This letter may be freely used, in accordance with the terms of this site.
» Home Switch to: English < Previous   Next >

 
or find:

webexhibits.org/vangogh/         Credits & feedback